Jacques Prades est directeur du Master nouvelle économie sociale de l’Université de Toulouse 2 Le Mirail, et du Centre européen de ressources sur les initiatives solidaires et les entreprises sociales(Cerises). Il revient sur la dimension sociale et humaine du projet de co-habitat en évoquant les réunions durant lesquelles se constitue le groupe et qui aboutiront à l’élaboration d'une charte.
Cerises est un centre de recherche en économie sociale, associé à l’Université et qui vise à favoriser la recherche en économie sociale comme à soutenir les initiatives novatrices, mais encore désordonnées, de l’économie solidaire. Ces initiatives connaissent un regain en France et en Europe depuis une dizaine d’années. « Nous avons été contacté par la Communauté de communes de Mimizan à l’issue des travaux de recherche sur l’habitat groupé en pin des Landes qu’elle avait menés principalement autour d’architectes et d’ingénieurs, quand elle a souhaité passer à une phaseactive et lancer un projet de co-habitat, confie Jacques Prades. Le co-habitat est un système de propriété collective et coopératif que je connais bien. D’une part, j’avais participé à un voyage d’étude au Québec pour le compte de la commune de Vaulx-en-Velin et, de ce fait, chargé d’introduire les 1ères journées d’Habicoop à Lyon. D’autre part, Cerises a travaillé sur toutes les expériences de co-habitat en France depuis les années 1960 en cherchant à identifier les raisons de leurs échecs ».
Résoudre les problèmatiques actuelles du logement
A partir de cette double entrée, Jacques Prades en a tiré des leçons pour voir comment on pourrait à travers le développement du co-habitat, tenter de résoudre les problématiques actuelles du logement, tant individuel que collectif. Et avec Cerises, il s’est alors lancé dans l’accompagnement de personnes désireuses de faire aboutir un projet de co-habitat et a acquis un savoir-faire dans ce domaine. « Au départ, nous avions simplement l’intention de faire l’analyse des groupes sociaux, mais nous avons été reconnus pour cette expertise dans le domaine du co-habitat ! » explique-t-il.
Des informations pour aider les futurs co-habitants
L’idée principale du logement coopératif tient en une idée simple : ce sont les habitants qui se prennent en charge euxmêmes pour décider ensemble du lieu où ils vont habiter. Ils s’affranchissent ainsi des modèles types de logements conçus directement par des architectes et des promoteurs. C’est au sein d’un groupe constitué de volontaires qu’ils vont décider de la répartition des espaces privatifs, de l’esthétique du lieu, de l’architecture, de la forme juridique de la propriété ou encore du mode de financement. « Dans le cadre du projet soutenu par la CCM, l’idée est qu’on accompagne des habitants, on les aide à se prendre en charge. La finalité est la même. Mais on a mis en place un accompagnement pour offrir aux futurs co-habitants tous les éléments qui leur permettront de décider, des informations pertinentes pour les aider. C’est un peu ce, qu’au Québec, on appelle les 'groupes de ressources techniques', les GRT. Mais c’est toujours aux habitants qu’il revient de définir leur priorité ». C’est ce qui constitue la nouveauté de ce projet à Mimizan : une collectivité territoriale s’est engagée à soutenir un groupe de 10 foyers environ.
Rédiger une charte
« C’est un tel groupe que l’on essaie de constituer au fur et à mesure des réunions bimensuelles que nous encadrons, précise Jacques Prades. Notre intervention s’attache à mener à bien une première étape qui conduira à la constitution définitive du groupe de co-habitants au travers de la rédaction d’une charte où ils déterminent leur projet commun, définissent quels sont les éléments retenus : jardin collectif, salle de gym ou de bricolage, studio d’amis, favoriser les énergie renouvelables… Cela débouche sur une répartition des espaces partagés et des parties privatives au sein du bâti avec une ouverture nécessaire sur l’extérieur et sur l’ébauche d’un cahier des charges pour sa réalisation. Il s’agit dans ces réunions d’avoir une posture de maïeutique, c’est-à-dire d’écoute, pour faciliter les choix qu’ils vont faire. On fait des propositions, on encadre la réflexion des candidats au co-habitat plutôt que de les mettre devant du « prêt à habiter ». On suit une méthode définie suite à l’observation d’autres expériences, on utilise des informations pertinentes comme par exemple les éléments constitutifs de précédentes chartes de co-habitats, mais c’est toujours à eux de déterminer quelles sont leurs priorités ». Cerises travaille aussi sur l’aspect collectif en favorisant l’avancée d’un consensus entre les futurs co-habitants pour que la charte et les futurs bâtiments soient l’exact reflet d’un projet commun. Et pour les parties privatives chacun d’entre eux fera ses choix et aménagera l’espace qui lui est dévolu, avec toujours le conseil du groupe de soutien.
Cette problématique est connue par Cerises parce qu’elle est identique, dans sa philosophie, à ce que ce centre de recherche a l’habitude de faire pour la constitution d’une crèche parentale, d’un café coopératif ou d’un auto-partage… En bref, ce que nous appelons les initiatives solidaires et les entreprises sociales.